Viry

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03. Fenêtres

Fenêtre la plus ancienne
Deux enfants regardent.
La rue étroite et longue. Les maisons immobiles. Elles s’alignent dangereusement le long de la route. Pas de bruit. Pas de vie.
Des chars passent. Il fait froid.
Des soldats dans une jeep. Un signe de la main.
Les enfants répondent.
Etre vu. Etre reconnu de l’autre. Ne plus être seul et sourire.
VV

Je n’ai jamais su ce qu’il s’était passé. C’était à l’école maternelle, une école des années 70, un peu enfoncée sous de grands arbres que je ne savais pas nommer (des conifères ?). L’cole était de plein pied. A côté il y avait la piscine municipale. A midi ma mère venait me chercher.
Ecole maternelle, entre 3 et 5 ans, c’ets le plus vieux souvenir que j’ai. Il y avait Charaf aussi. Charaf, on l’appelait, mais son vrai nom c’était Hichem. Je ne sais pas si pour lui aussi cette situation était exceptionnelle ; pour moi ça l’était, je languissais. Je ne sais plus s’il est parti avant moi, parfois je crois que oui, parfois je crois que non. J’ai toujours bien aimé Charaf, il était très gentil (je ne l’ai pas revu depuis au moins 15 ans. IL est coureur pro je crois). C’ets peut-être parce que nous nous sommes retrouvés coincés, seuls, derrière cette grande baie pleine de conifères que je l’aimais bien.
FB

Je ne me souviens pas de la fenêtre de mon enfance. Elle devait être petite, très petite, pour s’être effacée ainsi de ma mémoire. Elle n’était peut-être qu’une mince ouverture, un filet. Une fenêtre comme une fente de lumière jaune, qui me tenait éveillée, et nourrissait mon espoir d’être plus grande, toujours plus grande, plus vaste, éclaboussée et vivante.
AB

Le soleil réchauffe le matin, me réveille. L’horizon barré par la forêt toute proche. La pâture à ses pieds, étalée, nue, seul relief : le pommier un peu au milieu qui nous offre les « puchins » dont on fait la gelée à l’automne, hmm…
MR

A travers la fenêtre de la maison de Romainville en 1970, j’aperçois
le potager de mes parents. Surtout les hautes lignes de haricots grimpant le long des perches élancées. Les choux et les feuilles de carottes se développent allègrement sur la terre encore mouillée de la pluie de la veille. Autour de la maison, au pied de la fenêtre, s’étire le long trottoir rouge brique où je faisais des courses d’escargots.
FM

 

Fenêtre de la maison
Ils sont trois. Ils sont jeunes. Le moteur de la voiture en marche. Les vitres entrouvertes.
J’entends les murmures, les mots, les rires, les cris, le verre brisé, les portières qui claquent.
Il fait sombre. La nuit les protège.
Silhouettes anonymes à la lumière du plafonnier.
La voiture démarre.
Le parking est vide.
Les roses tombent sur les canettes oubliées.
Le silence.
VV

Comme je suis dans le passé, j’y reste. J’adorais la vue que j’avais depuis ma chambre. Elle me semble aujourd’hui résumer toute mon enfance. Il y avait l’usine quasiment sous la fenêtre (des pans de murs rouges, rainurés ou emboutis, indescriptibles formes d’un alliage inconnu), avec son éternel ronron… tout au fond, à l’arrière-plan, il y avait la plus belle vue qu’on puisse imaginer sur Miélandre, l’une des plus belles montagnes de mon passé. Plein est, plein soleil. Toute la vie alors se résumait à toute la vue sur Miélandre, que je n’aurais gravie que mille ans plus tard en vrai, et par des accès qui la présentent bien bien différente (et ses habitants ne la connaissent sans doute pas tous comme je la voyais, dans mon enfance).
C’était une déité, déesse dressée (tu sais comme les dieux t’apparaissent familiers dans leur éloignement ; quand tu la fouleras, les dieux seront tombés, changés en marmottes peut-être), une masse mythique, une ombre familière, protectrice, rassurante. La nature au loin, son faîte pelé de pelouse, ou souvent sous la neige, et l’industrie devant, la répartition des tâches, déclinée aussi dans la famille : ma mère révérait Miélandre, mon père vivait dans l’usine.
FB

Un rideau de coton blanc masque la moitié de sa hauteur. La moitié qu’il me reste est faite de montagne : un mont comme un pain de sucre, devant une ligne douce, qui prend l’oblique et un point de fuite dans son creux blanchi par la neige. J’aime ne voir que cette moitié, la plus belle.
Mais ce matin, la fenêtre est embuée et je ne vois rien.
AB

Eblouissement quand la lumière déjà haute traverse les petits carreaux de verre ancien. Leur surface déforme l’image qu’on voit à l’extérieur. L’espagnolette n’existe pas sur cette fenêtre. J’aime la sobriété de sa fermeture : autour d’un axe médian, en actionnant la barre transverse, on maintient fermée en haut et en bas les ventaux de cette fenêtre. Système simple et efficace, pourtant délaissé, comme pour effacer le souvenir trop rustique du monde rural.
MR

Depuis ma baie vitrée la vue s’étend sur mon terrain de 9 ares où l’herbe et la mousse poussent inlassablement. Les branches du frêne tombées durant l’hiver jonchent le sol et forme un entrelacs inextricable de rameaux mélangés. Le vert domine tout bien que le sombre des arbres, des arbustes et de la terre du jardin apportent une note triste dans ce matin de février.
FM

 

Fenêtre du travail
Le jardin. Les pommiers nus. La cabane et ses jouets abandonnés. Cassés.
La neige, grisâtre. Elle fond dans le pré.
La forêt, obscure, grimpe jusqu’au ciel. Bleu lavé.
VV

La fenêtre de mon lieu de travail est immense. C’est elle, précisement – elle et ses horizons, elle et son ciel qui en mange la moitié, elle et ses déclinaisons de saison -, qui m’a fait choisir ce lieu. Un lieu de projet et de vie pour maraîcher. C’est elle qui s’ouvre en premier le matin à mon arrivée, au débouché des noisetiers : c’est un foce.
Soudain s’ouvre et me donne le ton de la journée.
AB

Numéro 115, j’engage la clef dans la serrure, j’y suis. Là, à travers le cadre en bois du plafond en sous pente, les nuages passent et se fondent progressivement dans la masse du ciel qui s’assombri, devient ténèbres. Ce grand tableau noir veillera sur ma nuit. Rien à offrir au regard. Sentiment d’enfermement dans cette chambre d’hôtel.
MR

Depuis chez Lilou mon regard se porte sur le Val de Bienne et ses berges abruptes couvertes de buissons et de troncs plus ou moins droits. Le lit de la rivière serpente dans un tumulte bouillonnant. La couleur du cours d’eau tire sur le vert marron, couleur due aux sédiments calcaires et aux alluvions charriées par la Bienne. C’est mercredi il est 15h15 et je replonge dans la leçon que je dispense à mon élève.
FM

 

Fenêtre en mouvement
La montagne et le vide. A pic où tout tombe. Absorbé.
Pendant des kilomètres, la peur, l’angoisse, la fascination, l’appel, l’envie, le désir.
Regarder et être aspiré.
Imaginer ce qu’il y a dessous. Ce qui est après. Plus loin. Plus bas. Plus profond.
Voir un néant et le peupler de vie et de carcasses abandonnées.
Ferraille ou ossements.
VV

Toujours l’enfance. On allait tout le teps faire des courses dans la ville bourgade voisine qui abritait le lycée, les grands parents, les grandes surfaces. j’étais pris d’une somnolence permanente alors, hors jeux en forêts ou achats compulsifs, seule échappatoire comme l’ami, à la dépression infantile qui menaçait. C’est ainsi qu’au retour des couses, souvent je m’allongeais sur la banquette arrière. Alors je contemplais les lumières des vitrines, des lampadaires qui passaient, ou bien les formes organiques des gouttes qui s’écrasaient sur la vitre, leurs trajets de rus aussi modestes qu’obstinés, en tous sens, selon la vitesse ou les vents. A de très rares exceptions près, c’était toujours une immersion dans l’abstraction, la rencontre-projection avec la matière de l’espace même.
FB

Le Ventoux glisse dans la fenêtre du train. Face nord, puis flan ouest, puis face sud. Toujours son col blanchi par les vents, par le dénuement.
– Par quelle face montent les cyclistes du Tour ? –
Je suis immobile et rêveuse. J’ai le temps pour ça. Pour voir le paysage se mouvoir et se transformer comme au ralenti. C’est un grand et même paysage qui n’en finit pas, c’est le même qui ne s’arrête pas. Le paysage, d’espace, devient temps. Il devient récit.
AB

Mur taillé – descend – pleine lumière – haut talus – plate plaine – tunnel noir – maisons – encore – portes closes – les coulisses – de la ville – derrière –

Dans le train

La fenêtre

Défile

Le paysage

A peine vu

Déjà perdu
MR

Le long de la ligne Paris gare de Lyon Mouchard au niveau de Troyes, les champs cultivés du département de l’Aube défilent inlassablement. Les brumes matinales se déchirent et laissent apparaître des terres arables ensemencées de graines végétales qui, une fois développées, fourniront les légumes et les fruits dont l’homme a besoin.
« Mouchard : deux minutes d’arrêt ». Mes souvenirs agricoles s’évaporent. Je descends du train. Les vacances commencent.
FM

 

Fenêtre écran
Regarder le regard de l’autre qui te regarde. Ses yeux verts. Un peu marron foncé.
Voir ses paupières se baisser, fuir l’insistance.
Attendre qu’il relève la tête et regarder ses yeux verts, un peu marron, foncés.
VV

Je suis happée dans l’écran. Tout est noir sauf lui. Lumière, couleurs, formes, mouvements. Tout est silence sauf lui. Musique, instruments. Grand écran. Je m’y projette entière, sans concession, sans d’autre raison que d’être moi-même le paysage qui défile sous mes yeux. Je suis la femme qui regarde la mer, je suis la vague qui monte à l’écran, je suis l’écume qui blanchit sa ligne de faîte, je suis le sable-miroir quand la vague – je – se retire, je suis la coquille vide déposée là et qui chante à l’oreille. Je suis oublieuse.
AB

Cadre ouvert, dans un cadre, puis un autre cadre
Réduit, réduit, réduit aussi
Toutes les fenêtres, dans la barre
Ouvert, réduit, enregistré
Souris magique glisse
N’en fait-elle qu’à sa guise ?
MR

Ambiance, ferveur, stade, pelouse, couleurs, joueurs, ballon, passes, dribbles, contrôle, reprise de volée, tirs, but, explosion de joie, allégresse, victoire, 1998.
FM

 

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