La Pesse

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06. Les villes invisibles

Ville imaginée
J’arrive dans une ville. Enfin.
Inconnue. Etrange.
Le nom sur le panneau défoncé est à peine lisible. J’approche lentement. Epuisée.
Avec la manche de ma veste bleue, j’essuie la poussière noire. Les lettres apparaissent. Je déchiffre
une écriture gothique : ROSA.
Des volutes de brumes m’étreignent, opacifiant l’atmosphère et le regard. L’air lourd pénètre mes
poumons.
Un instant, une bourrasque déplace les nuées. J’aperçois une lueur. Celle blanchâtre d’un réverbère
sur un trottoir.
Je tire un mouchoir de ma poche que je pose sur ma bouche. J’avance, prudent.
Les bâtiments sombres s’alignent méticuleusement le long de la rue. Parfois une vitrine, où brille
une maigre chandelle, égaie cet enchaînement monotone.
Soudain, un chaos infernal. Une alarme déchire mes tympans. Je porte les mains à mes oreilles.
Terrassé. Je perçois des bruits de pas effrayés courir vers les portes des immeubles. Un bras attrape
la manche de ma veste et me tire à l’intérieur. Juste à temps.
Un gigantesque aspirateur parcourt le ciel, rasant les toits. Il avale les vapeurs diffuses.
Tout à coup, tout est clair, lumineux. Le soleil apparaît. Eclatant. J’ouvre la porte. Il réchauffe mon
visage. Je sors.
Au loin, trois cheminées continuent de vomir.
Ville réelle
Elle apparaît toujours à la fenêtre d’un train, voilée de brumes épaisses. Toujours ici il fait froid.
En tout cas, chaque fois que j’y suis venue, chaque fois que j’y ai vécu. Ou peut-être simplement
est-ce comme cela que je m’en souviens.
Ville sombre née du lit d’une rivière. Enfoncée, profonde, dans une vallée étroite.
Le vent s’engouffre en bourrasque sous les vêtements pourtant chauds. Pourtant bien fermés.
Quelques usines rejettent encore une pollution éparse. Souillant l’eau, la terre, l’air peut-être aussi.
Les véhicules, convois ininterrompus, traversent la ville-rue, sans vouloir s’y arrêter. Ils
abandonnent leur empreinte, noire sur les murs peints.
De fines veinules, accrochées à cette artère irriguent les maigres faubourgs, privés de l’éclat
bienveillant du soleil.
La ville s’étouffe sous le poids des nuages. Ils restent là, accrochés, des jours durant. Ils s’obstinent.
Même la bise glaciale ne les rebute pas. Obstacles permanents aux rayons lumineux.
Autour de moi, personne. Jamais. Ou alors, plus loin, une silhouette qui court. Ses semelles
claquent le trottoir gelé.
Espérer à chaque fois un train et partir. Espérer à chaque fois ne plus revenir.
VV
 

 

Chionosphère, une ville imaginaire ou pas

Approcher de Chionosphère, cette ville toute en rondeur et profondeur, est si étonnant que c’en est à peine croyable. Et cependant, entrer en son cœur n’est pas chose facile. On tourne autour, ses parois comme des éclats de diamants, la glaciaire n’est guère aisée à traverser. Les autochtones sont d’ailleurs froids et leur accueil taillé comme du verre. L’hiver, l’ombre est partout et la glace couvre les trottoirs. L’étranger téméraire s’arrêtera cependant sur le pont qui enjambe la vallée, ne se lassera pas d’admirer les monts et les maisons nichées dans une cuvette encerclée par les reliefs, le dôme et les clochers, puis passé l’Abbaye, caressera les rondeurs de la bruyère, enfin fraternisera peu à peu avec l’habitant. Dès lors, volutes et effluves chaleureuses fonderont la méfiance et cristalliseront de solides amitiés, enveloppantes comme les montagnes tout autour.
Boulaneige retournée, Saint-Claude à l’intérieur.
MR

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