Ce texte fait suite, avec quelques autres, à une première tentative, il y a quelques années.
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Pourquoi l’Italie ?
Pourquoi, mais pourquoi l’Italie ?
La question ne laisse pas de surprendre et de revenir, et probablement reviendra-t-elle jusqu’à la fin.
Je suis essentiellement et constitutivement français, je ne crois pas qu’on puisse le nier, et cela ne me pose d’ailleurs ni problème, ni fierté particulière. Je me reconnais dans une grande part de l’héritage de la France et je regrette bien d’autres aspects. Lorsque je suis ailleurs en Europe et dans le monde, je ne peux pas nier que je suis un Français en Europe ou dans le monde. Je le porte sur moi, en moi, et cela ne changera guère dans le futur.
Et pourtant je suis attiré par l’Italie, dans sa complexité, et dans tout ce qu’elle représente : la langue, la culture, la cuisine, la ville, il est jusqu’à la politique, les relations sociales et même l’administration qui me fascinent et m’aimante irrévocablement.
Il est vrai qu’à force de voyage, depuis ma plus tendre enfance, et durant toute sa durée, jusqu’aux récents séjours, les plus longs que j’ai faits à l’étranger, j’ai calculé que j’avais passé en tout pratiquement trois années de ma vie en Italie.
Mais enfin cela n’a aucune commune mesure avec n’importe quel résident étranger dans n’importe quel pays.
Il est vrai aussi que durant toute la période enfantine, l’Italie a représenté à mes yeux une terre paradisiaque ; parce que c’étaient les vacances et la mer, les jeux et la famille réunie, et l’exotisme mêlé, j’ai tout d’abord follement aimé l’Italie, qui se résumait alors à Rimini — autant dire un lieu hyper non-représentatif de qu’est réellement le pays.
Ensuite j’ai détesté Rimini, et je récuse encore peut-être tout ce que des cités comme Rimini représente, des points de vue culturel, social, politique, et même environnemental !
Puis j’ai dû me réapproprier l’Italie, la redécouvrir, la voir en vrai — et pour moi-même ; il va sans dire qu’il m’a fallu passer par une phase de révolte familiale pour parvenir à accepter l’idée que l’Italie devienne autre chose que le jaune et bleu paradis de l’enfance.
Je suis allé vivre à Rome et, par hasard, dans le quartier Spinaceto. Puis j’ai contraposé les régions du sud (Campagnie, Molise, Basilicate, Pouilles, Calabre) au souvenir émilien et romagnole (il y a des différences…). J’ai découvert les îles. Puis j’ai connu Gênes, sans doute la plus vilaine des villes italiennes, c’est-à-dire la ville qui répondait le plus mal aux canons exigés de la beauté patrimoniale réclamée à la péninsule. La ville italienne la plus inconfortable, i.e. la plus propice à mon installation. La plus violente, donc la plus stimulante.
Dans l’intervalle l’Italie aussi a sans doute beaucoup changé : la politique berlusconienne au sortir des années démochrétienne, le G8 de Gênes, le tremblement de terre de l’Aquila, le changement de pape, la succession des tragédies migratoires en Sicile et dans le sud, le tout dans le contexte de la crise européenne (dictature Monti, populisme Letta-Renzi, ces trois gouvernements au pouvoir sans élection), ont modifié le rapport des Italiens à leur propre nation — dont a fêté le jubilé en 2011, ainsi qu’au monde (il paraît que de nos jours les Italiens sortent de leur pays…).
Mais plus que l’Italie elle-même, c’est bien ma propre personne qui a évolué dans la perception de l’Italie. J’ai façonne jour après jour une Italie personnelle, jour après jour je renoue avec l’image que m’avait aliéné une enfance trop sensible.